martes, 10 de marzo de 2009

CRONICA DE EMILE BRETON EN L'HUMANITE



El gran crítico francés Emile Breton publicó el pasado 4 de marzo la siguiente crónica sobre Punto de Vista y Cinéma du Réel, dentro de su columna semanal 'La chronique cinématographique d’Emile Breton', muy recomendable para todos los que quieran encontrarse con sorpresas cinematográficas semana a semana.

VISIONS DU RÉEL: PARIS-PAMPELUNE

C’est la fête au réel. Elle commence aujourd’hui avec le trente et unième festival de ce nom, le Cinéma du réel, à Paris, et le mot fête n’est pas trop fort. Vingt films en compétition internationale, dix-huit pour le panorama français, et des hommages, des ateliers, des rencontres, des installations, une redécouverte de la télévision d’hier, c’est un programme à ne savoir
où donner de l’oeil qui, à Beaubourg et hors les murs, occupera plusieurs salles, jusqu’au 17 mars. Si, par exemple, la section « la télévision à l’avant-poste » devrait faire découvrir aux cinéphiles d’alors qui regardaient de haut l’écran trop petit pour eux qu’il s’inventa là quelque chose à partir des années soixante, l’hommage au Canadien Pierre Perrault, un fidèle du festival, mort il y a dix ans, devrait amener des spectateurs plus jeunes qui ne connaissent même pas son nom à se rendre compte que le Québec, dans ces mêmes années, fut un admirable lieu de vie pour le cinéma. Et l’on n’oubliera pas cette section qui est, si l’on peut dire, d’éducation civique : « désobéissance technique, pratiques libres », exploration du monde à partir des nouvelles techniques d’enregistrement ou la radiographie de Marseille que représentent les sept films, courts et longs (six heures un quart de projection) que Denis Gheerbrant a tournés en quatre ans, de la rue de la République à la cité Saint-Louis.

De cette fête on ne retiendra aujourd’hui qu’un film pour ce qu’il dit du « réel » et de son appropriation par le cinéma. C’est Archipels nitrate, de Claudio Pazienza, sur la Cinémathèque belge. Il a plongé dans ses archives, passant d’un film à l’autre et le cri de l’afficheur voyant partir son vélo monté par un autre dans le Voleur de bicyclette (1948) s’achève sur le même cri, un film et des années plus tard.

Le vieil homme du Bonheur, de Medvedkine (1932), rabote son cercueil et une femme le regarde de sa fenêtre. Elle est belge sans doute, et filmée aujourd’hui dans sa maison de briques rouges, sur quoi arrive, d’un autre film, la vieille dame amoureuse de Tous les autres s’appellent Ali (1973). Ainsi s’enchaînent les histoires dans ce film placé sous le signe de la métamorphose, déchirure d’une coque pour qu’un papillon s’envole. Et c’est un bonheur de voir comment le cinéaste, de tous ces trésors, fait son miel, c’est-à-dire un autre film, vivant, où la voix d’Anna Magnani monte d’une bobine fatiguée par trop de passages, et surgit son image, pathétique, dans l’Amore (Rossellini, 1948). « Le réel, dit Pazienza, c’est ce que nous savons en tirer. Une création. »

À Pampelune, en Espagne, Punto de vista (Point de vue) est bien plus jeune que le Cinéma du réel. Il n’en est qu’à sa cinquième édition, mais manifeste une haute ambition.

Il montre, comme tous certes, des films, mais surtout appelle à réfléchir sur le cinéma documentaire. Et cette année (au mois de février), c’est autour du cinéaste américain James Benning et, avec lui, les spectateurs qui y étaient invités. Né en 1942, mathématicien de formation, il a réalisé depuis 1971 plus de trente films, et il est à peu près inconnu en France. Il serait temps que soit comblée cette lacune. Huit films de lui étaient à Pampelune. Traitant ses sujets en très longs plans larges, sans commentaire mais avec une saisie des sons de la nature aussi méticuleuse que celle des images, il dresse de son pays un impressionnant état des lieux. RR (2007), par exemple, est un film sur les trains de marchandises qui sillonnent le pays, trains interminables à plus de cent wagons, et c’est au bout du compte la description de l’immense réseau sanguin d’un continent, un organisme vivant, palpitant. Casting a Glace (2007) déploie ses beautés sur une échelle plus vaste encore. Pendant des années il a filmé, toujours en plans fixes, la jetée de pierres en spirale qu’un artiste de Land Art, Robert Smithson, a lancées dans le Grand Lac salé en Utah. Algues proliférant l’été, glaces d’hiver, flocons d’écume salée montant à l’assaut des pierres comme autant d’inquiétantes larves rongeuses, c’est le travail même du temps qui est dit ici. Et qui ajoute encore à la beauté des oeuvres humaines, sous les ciels profonds de l’Utah. Un Monet en mouvement. Ce film appelle la méditation au rythme apaisé de son montage. Comme Pazienza, Benning ne dit rien d’autre que cela : il n’y a pas des sujets nobles et d’autres triviaux (quoi de plus banal qu’un train dans un paysage ?), il n’y a que le regard d’un cinéaste pour savoir les montrer. Un punto de vista.

d’Émile Breton

(En la fotografía, Emile Breton, abajo a la izquierda, en una de las sesiones de Punto de Vista 2009)

1 comentario:

Anónimo dijo...

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